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Intéresser la jeunesse à la lecture en plein boom technologique: le travail ardu des bibliothécaires

Dernière mise à jour : 22 mai 2021


Par Malvina Bendjaballah



Intéresser la jeunesse à la lecture n’est pas seulement le travail des professeurs et des parents, mais aussi celui des bibliothécaires.


Enfant qui lit un livre / Crédit : Steven Depolo

Les bibliothèques sont-elles dépassées puisque, de nos jours, Google et Amazon seuls peuvent se charger du travail ?

La technologie ne constitue pas une menace pour les bibliothèques, mais une opportunité pour introduire les jeunes à la lecture. En effet, le Covid-19 a prouvé que certaines applications, comme BibEnPoche, donnaient la possibilité à plus de jeunes de découvrir le contenu de la bibliothèque la plus proche de chez eux, de réserver les livres voulus, mais aussi un créneaux pour venir les chercher sous réserve du port du masque, une sorte de « bibliothèque drive ».





Commencer au berceau

Intéresser les jeunes à la lecture commence au plus jeune âge, et c’est pourquoi la plupart des bibliothèques instaurent le même programme appelé « L’Heure du conte ». Le principe est très simple, les plus petits, accompagnés par leurs parents, viennent s’installer confortablement pour écouter une histoire lue par une bibliothécaire volontaire. « Pour les tout petits, l’important, c’est de présenter la lecture comme quelque chose d’amusant. Par exemple, à Halloween, les histoires de sorcières sont lues par des bibliothécaires déguisées » explique Sylvie, employée à la médiathèque Jacques Brel, à Méru, dans l’Oise.


Cette « Heure du conte », ou du moins, une heure dédiée aux livres, n’est pas seulement réservée aux bibliothèques et médiathèques des communes, comme nous l’explique Carole, bibliothécaire à l’école primaire Pasteur. « C’est une heure de pause dans la semaine. Le vendredi après-midi, de quatorze heures à quinze heures, les enfants viennent choisir deux livres. Ils peuvent s’installer pour lire sur les fauteuils, et emprunter ces deux livres jusqu’au vendredi suivant. Cette pause est importante puisqu’elle leur permet de découvrir une nouvelle passion à laquelle les parents n’auraient peut-être pas pensé ». En effet, bien que la plupart des psychologues et spécialistes du développement chez l’enfant s’accordent pour dire qu’un temps de lecture le soir avant le coucher peut être un moment parent-enfant important, tous les parents n’ont malheureusement pas l’occasion de profiter de cet instant. Les enfants issus de familles de classe moyenne ou des classes défavorisées semblent avoir moins l’occasion de partager un temps de lecture avec leurs parents. Cela s’explique tout simplement par l’absence de livres dans ces foyers (en effet, les livres restent un luxe pour certains) mais aussi par la fatigue des parents après une longue journée de travail.




Et comment ça se passe du côté des ados ?

C’est ici que les bibliothécaires entrent en action. Comme nous l’avons vu précédemment, c’est une de leurs responsabilités de permettre aux plus jeunes l’alphabétisation, mais aussi d’améliorer leur niveau de lecture, et, plus important encore, de garder cette passion pour la lecture jusqu’à l’âge adulte.


En effet, les enfants sont encouragés à lire durant l’année scolaire, mais qu’en est-il lors des périodes de vacances ? « Les vacances d’été sont une grosse période de hiatus en matière de lecture chez les jeunes » témoigne Louise, qui, comme Sylvie, travaille à la médiathèque de Méru. Comment régler ce problème ? « Nous instaurons des programmes de lectures dédiés aux plus petits mais aussi aux ados. Après avoir lu un certain nombre de livres, ils reçoivent un prix, comme un gadget ou une carte cadeau à la fnac, par exemple ».


Pour d’autres adolescents, il faut tout simplement reprendre de zéro. « Ce n’est pas rare que des parents décident d’initier leurs enfants âgés de quatorze ou quinze ans à la lecture, en pensant qu’il est déjà trop tard », continue Louise. « Ils ont été dégoûtés de la lecture à cause des lectures forcées par l’école. Nous leur proposons donc tout simplement des formats différents, comme des BD, des romans graphiques, des mangas, des livres audios… ».




Trouver des personnages qui nous ressemblent

Un autre obstacle : la diversité et la représentation. « On arrive enfin, selon moi, à un moment historique dans l’histoire de la littérature : le mouvement pour une plus grande diversité, une représentation correcte des minorités, qu’elles soient ethniques, religieuses, sexuelles… » nous dit Sylvie. « C’est un obstacle toujours présent, mais moins imposant ». En effet, la médiathèque de Méru, où celle-ci travaille, est au cœur d’une communauté musulmane, mais aussi d’une communauté d’immigrants d’Afrique du Nord et d’Afrique Noire. Avoir un catalogue de livres qui ne représenterait pas ces minorités de façon positive serait une grave erreur. « Les jeunes veulent se retrouver dans des personnages, des expériences » continue la bibliothécaire. De plus, cette bibliothèque est aussi connue pour proposer des titres attractifs écrits par des auteurs noirs lors du Black History Month.


Les services de streaming tels que Netflix ou Amazon Prime sont d’une grande aide pour ces fonctionnaires. En effet, ils permettent d’amener un nouveau public. Les jeunes, qui, après avoir découvert une série, désirent en connaître plus sur l'œuvre d’origine, se tournent vers les bibliothèques. « Depuis la sortie des Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire mais aussi de Rebecca sur Netflix, de nombreuses personnes demandent si nous avons les livres au bureau d’accueil », raconte Louise.


Il faut aussi essayer d’attirer les jeunes lecteurs vers les espaces dédiés. « Le CDI est plutôt vu comme une deuxième salle de permanence, ou bien une salle informatique où on vient faire des recherches pour ses devoirs, pas comme un lieu convivial », raconte Carole. Quand les écoles rouvriront, elle veut essayer d’inviter les enfants à décorer le CDI de l’école où elle travaille.


Après avoir interrogé Georges, documentaliste au lycée Condorcet, à Méru, nous avons appris que les documentalistes et les professeurs étaient « partenaires » lors de certains cours. « Nous offrons un cours appelé Littérature et société ». Les livres choisis sont en général des œuvres de fiction en rapport avec un chapitre d’histoire, les élèves ont donc un angle de vue différent sur certains sujets et ont la possibilité d’explorer de nouveaux genres littéraires qu’ils n’auraient pas découverts seuls. Cette année, l’une des œuvres choisies est Balzac et la Petite Tailleuse chinoise de Dai Sijie. Les élèves l’étudient dans le cadre d’un chapitre d’histoire sur la Révolution Culturelle chinoise.




Le travail des bibliothécaires, contrairement aux idées reçues, n'est pas de tout repos. Bien qu’il ait été prouvé que les bibliothèques sont un des piliers de la société, il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre parler de coupes budgétaires et de suppression de ces bâtiments. On peut espérer que, après la crise sanitaire, nos fonctionnaires bien aimés soient enfin reconnus à leur juste titre.

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