Sidi Bensoula, un coiffeur au grand cœur
- figurescergy
- 21 mai 2021
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 mai 2021
Par Hugo Martin
Si vous arpentez les abords de la Gare du Nord ou alors ceux de la gare de l’Est, vous avez sans doute déjà croisé son sourire. Sidi Bensoula tiens deux salons de coiffure dans le nord du Val d’Oise. Il a décidé de se tourner vers les plus démunis afin de leur proposer ses services.

Depuis son plus jeune âge, Sidi Bensoula a toujours été passionné par le milieu de la coiffure. «Tous les samedis, mon père m’amenait chez un coiffeur à Enghien les bains, et je passais ma journée à passer le balais, à apprendre comment faire un shampooing ». Après avoir passé son CAP ainsi que son brevet professionnel, il a décidé de parcourir les différents salons afin de faire ses armes et d’ouvrir le sien en 2008.
« J’aime mon indépendance »
Sidi a pris connaissance du mouvement "Coiff in the Street" à travers les réseaux sociaux et leurs vidéos qui devenaient virales. C’est en 2018 que le mouvement a fait ses premiers pas en France. Toutefois, Sidi Bensoula n’a jamais voulu le rejoindre. « J’aime ma liberté et faire les choses indépendamment. Si j’ai envie de me lever un matin et d’aller faire du bénévolat alors j’irai. Que cela soit pour de la coiffure ou des dons de vêtements ». Malgré ce choix, il salue l’initiative de Kevin Ortega (principal acteur dans le mouvement Coiff in the Street et son expansion). Il se dit satisfait de la médiatisation du mouvement. « Quand il s’agit de bénévolat, et dons de soi, c’est toujours bien d’avoir de la visibilité. En effet, ça peut donner envie aux autres de le faire. Et c’est ce qui a été le cas avec moi ». La grande dimension sociale de Coiff in the Street est primordiale. L’idée est de donner de son temps quand on peut. Chacun est un électron libre responsable de sa maraude. Sidi Bensoula se distingue comme une personne solitaire. C’est pour cela qu’il à décidé de n’adhérer à aucune association et d’opérer seul.
Après avoir vu les vidéos de Coiff in the street, le coiffeur francilien a décidé de prendre les devants. « C’est en 2018 que j’ai commencé à faire mes premières maraudes, la veille j’ai appelé quelques copains et certains m’ont suivi ». Afin de préparer au mieux ses maraudes, Sidi étudie la zone géographique qu’il va couvrir le lendemain. Dès l’aube, il prend le train direction gare du Nord. Une fois arrivé à quai, il sort se balader dans les alentours, doté de sa valise spéciale maraude. « Je me rapproche d’eux un par un pour leur proposer un café, une coupe de cheveux ».
Bien que la majorité accepte sa proposition, il lui arrive aussi d’essuyer des refus. « Dans la majorité des cas, les gens sont très reconnaissants. Ils acceptent avec joie et son très ouverts. Malgré cela, il reste tout de même une infinité de personnes qui sont très méfiants. ». Selon lui, la méfiance qui hante les sans-abris est due au milieu qui les entoure. Après quelques coups de ciseaux, et un café, les langues se délient. « Pendant la coupe, on discute beaucoup, certains me dévoilent les raisons pour lesquelles ils se sont retrouvés à la rue, comment leur vie à basculée ». À la fin de la coupe, il nettoie ce bout de trottoir qui lui a servi de salon éphémère et prend la route pour une nouvelle tête à couper. Avant de se quitter, il reçoit un dernier merci, un dernier sourire. Il répète ainsi ce même schéma jusqu’à ce que le soleil se couche.
La motivation de Sidi s’illustre également par la volonté de faire évoluer notre regard sur les plus démunis. « Une fois on m’a dit on se regarde dans le miroir et on se déteste. » c’est avec un visage ému qu’il nous délivre ce message. En leur proposant ses services, il sait qu’il fera renaître leur confiance en soi. Grâce à une simple coupe, il les aide activement dans leur réinsertion sociale. « Beaucoup m’ont dit qu’ils allaient chercher du travail. Quand tu vas chercher du travail et que t’es bien coiffé et bien rasé, c’est déjà un plus »
Par ailleurs, en plus d’une coupe de cheveux et d’un bon café, il propose aux personnes qu’il rencontre des vêtements. Lors de sa venue sur la capitale, il apporte avec lui des tee-shirts, des pulls, ou même des chaussures qu’il collecte auprès de ses proches dès la préparation de ses maraudes. « Dans ce genre de projet, le soutien des proches est très important. Ils t’apportent un coup de main précieux et certains sont motivés pour m’accompagner lors des maraudes ». A travers ces mots, "Chouchou" (comme le nomme ses amis) nous fait comprendre qu’il ne part jamais seul lors de ses missions. « Il m’est déjà arrivé de coiffer des bancs de sans-abris. Quand c’est comme ça, je préfère ne pas être seul ». Malheureusement, il a déjà été confronté à des situations délicates: « Il m’arrive d’aller à la rencontre de gens ayant consommé de l’alcool ». La sécurité est primordiale lors de ses maraudes. En étant accompagné d’un proche, il s’assure que tout va se passer calmement dans la bonne humeur et qu’il ne sera aucun cas être victime de violence, ou en engendrer.
Lors de ses maraudes, Sidi nous confie y trouvé un profond plaisir. «Quand je rentre chez moi le soir, je me sens comme sur un nuage, je me sens bien. Je repense aux visages que j’ai croisé dans la journée. Je repense à leurs sourires, leurs histoires… Ceux à qui donner un peu de sa personne nous rapproche un peu plus d’un nouveau sourire. La reconnaissance humaine est la plus satisfaisante de toutes. Leur merci est sincère et profond. C’est plus qu’un simple merci en salon de coiffure. »
« L’ingratitude des gens à Paris c’est phénoménal »
Lorsqu’on interroge Sidi sur la réaction des passants lors qu’ils assistent à cette scène particulière, il nous fait part du réel clivage entre les réseaux sociaux et la réalité. « Lorsque l’on me voit, je ressens énormément d’ignorance de la part des passants. Dans certains quartiers, les gens me regardent de haut, soupirent. On m’a dit une fois : Vous n’avez pas autre chose à faire de les coiffer dans la rue ? ». Abasourdit, il ne préfère généralement pas répondre à ces provocations. En dépit de ces différents, il prend soin de ne laisser aucuns cheveux sur la voie publique et de n’occuper qu’un petit coin de trottoir. A contrario, sur les réseaux sociaux, il assiste à une pluie de message positifs. « Sur mes réseaux, je retrouve beaucoup de bienveillance et de gentillesse de la part de ma communauté. C’est plaisant. Bien sûr, il y aura toujours des gens qui ne sont jamais content et qui diront que je fait tout ça pour l’argent, ou la notoriété. Ce que je sais c’est que chaque soir, en allant me coucher j’ai la conscience tranquille, et je suis heureux d’avoir accompli de belles choses. » « Il faut savoir mettre de côté le business pour mettre en avant l'humain, explique-t-il. C'est ce qu'il y a de plus enrichissant. » Il garde un souvenir ému des échanges avec les SDF.
« La pandémie doit nous rassembler »
Depuis maintenant plusieurs mois, le monde est frappé par la pandémie de Covid-19. Suite aux multiples restrictions gouvernementales (confinements, couvre-feu, etc…) les rues se sont peu à peu vidées. Laissant ainsi les sans domiciles fixes dans une solitude encore plus profonde. Malgré cela, les maraudes ont pu recommencer au fil du temps. « On peut reprendre en toute tranquillité mais il faut veiller à respecter les gestes barrières. Il ne faut pas que la pandémie soit une excuse pour empêcher nos actions. Au contraire, je pense qu’il faut être d’autant plus présent. On a encore plus besoin aujourd’hui ». Afin d’assurer au mieux sa sécurité ainsi que celle des autres, il veille à appliquer correctement les gestes barrières. Il propose des masques aux sans-abris à qui il vient à la rencontre. Il continue de désinfecter ses outils après chaque coupe et n’hésite pas à utiliser du gel hydroalcoolique. Afin d’aider dans l’action, Sidi Bensoula joue de sa popularité sur les réseaux sociaux. À travers ses derniers, il lance des appels aux dons afin de collecter des kits d’hygiène composés principalement des brosses à dents, dentifrices, masques, gel hydro-alcoolique…
Avec l’aide des réseaux sociaux, le mouvement Coiff in the Street s’est marginalisé ces dernières années. Aussi, des indépendants, tel que Sidi Bensoula se sont joint à la partie. Les actions qu’il réalise prouvent qu’avec un élan de solidarité, l’accomplissement de belles choses ne tient qu’à un fil. Modeste, il nous confie ne pas se sentir comme une personne qui change le monde. « Je suis un petit coiffeur qui coiffe des sans abris de temps en temps. J’essaie de faire un peu de bien autour de moi. Changer le monde, seul le peuple entier peut le faire. Il faut que tout le monde s’y mette pour changer les choses. » À son échelle, il essaie de rendre notre société meilleure.
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